10

 

 

— Pourquoi le Haut Seigneur ne m’a-t-il pas encore retrouvée ? Cela fait déjà deux semaines !

Lorsque Barrons apparut le lundi soir, une heure plus tôt qu’à son habitude, je lançai à voix haute la question qui m’avait taraudée toute la journée.

Le temps était de nouveau à la pluie, et les clients s’étaient évaporés. Malgré tout, et pour combattre la mauvaise habitude que j’avais prise d’écourter mes journées de travail, j’avais décidé de ne pas fermer boutique avant 19 heures précises. Pour tuer le temps, j’avais rangé les étagères et épousseté les bibelots exposés.

— Je soupçonne, répondit Barrons en refermant la porte derrière lui, qu’on ne nous accorde ce répit que pour convenances personnelles. Notez-le « nous », au cas où il vous prendrait de nouveau la fantaisie de travailler en solo, mademoiselle Lane.

Cela lui plaisait de me rappeler que je serais morte le jour où je m’étais aventurée, seule, dans la Zone fantôme, s’il n’avait pas volé à mon secours. Peu m’importait. Qu’il se gargarise de ses exploits si cela lui chantait ! Cela m’était de plus en plus indifférent.

— Convenances personnelles ? répétai-je.

Cela me convenait certainement, à moi, mais je supposais que ce n’était pas à ma personne qu’il faisait allusion.

— Les siennes. Il est sans doute occupé ailleurs en ce moment. Si, lorsqu’il a disparu à travers ce portail, il s’est rendu en Faery, le temps ne passe plus à la même vitesse pour lui.

— Oui, répondis-je d’un ton distrait, c’est aussi ce qu’affirme V’lane.

Je vidai le tiroir-caisse, rassemblai les tickets, puis commençai à saisir des chiffres sur une calculatrice. Le magasin n’était pas informatisé, aussi la comptabilité était-elle un vrai casse-tête.

Barrons me lança un regard torve.

— Vous êtes sacrément bavards, tous les deux, on dirait… Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ? Que vous a-t-il dit d’autre ?

— Ce soir, c’est moi qui pose les questions, répliquai-je.

Un jour, j’écrirais un livre. Le titre en serait Comment manipuler un manipulateur, ou l’Art de survivre à Jéricho Barrons.

Ce dernier émit un ricanement sarcastique.

— Si cela vous rassure de vous imaginer que c’est vous qui commandez, je vous en prie, faites donc.

— Vantard, répliquai-je en lui jetant un regard directement copié sur le sien.

En le voyant éclater de rire, je le regardai avec incrédulité, avant de détourner les yeux. D’un geste automatique, je finis de placer les bandes de plastique autour des liasses de billets, rangeai celles-ci dans une pochette de cuir et saisis le montant des derniers achats, afin d’obtenir le chiffre d’affaires de la journée. L’espace d’un instant, Jéricho Barrons ne m’avait plus semblé ténébreux, impressionnant et glacial, mais ténébreux, impressionnant et chaleureux. Pour tout dire, je l’avais même trouvé assez… torride.

Je secouai la tête, troublée. Je m’égarais ! J’inscrivis les recettes du jour dans le livre de comptes, rangeai la pochette dans un coffre placé derrière moi, puis sortis de derrière le comptoir et allai retourner la pancarte accrochée à la poignée de la porte. En poussant le verrou, j’adressai un petit salut de la main à l’inspecteur Jayne. À quoi bon feindre de l’ignorer ? Tout ce que j’espérais, c’était qu’il était trempé, glacé et mort d’ennui. Car je me serais bien passée de sa présence qui, toute la journée, m’avait remémoré la disparition du malheureux O’Duffy.

— Au fait, et Mallucé ? demandai-je. Est-il vraiment mort ?

J’avais été tellement occupée par les ennemis que je voyais pratiquement tous les jours que j’en avais presque oublié de me faire du souci au sujet de ceux que j’avais perdus de vue depuis quelque temps.

Mallucé, de son nom de naissance John Johnstone Junior, fils unique d’un richissime financier anglais, avait fort à propos perdu ses parents dans un accident de voiture dont les compagnies d’assurances n’avaient jamais éclairci les circonstances exactes, héritant ainsi d’une fortune qui flirtait avec le milliard de dollars. Il n’avait alors que vingt-quatre ans. Il s’était empressé de se débarrasser de son trop célèbre patronyme, qu’il avait troqué contre celui de Mallucé, avant de réapparaître en société sous l’apparence d’un mort-vivant. Cela avait eu lieu huit ou neuf ans auparavant. Depuis, le vampire steampunk aux yeux jaune citron s’était entouré de toute une cour de dévots, qui accouraient du monde entier vers son improbable manoir gothique pour y célébrer un culte à sa personne.

Était-il ou non un vampire ? Barrons n’y croyait guère. Tout ce dont j’étais sûre, pour ma part, c’est qu’il y avait en lui quelque chose de plus qu’humain. Malgré sa pâleur maladive, sa silhouette filiforme et sa musculature de danseur, tout en légèreté, je l’avais vu projeter un malabar de deux mètres de haut à travers une pièce d’un seul revers de la main, le tuant net. Quant à moi, je ne savais toujours pas comment j’avais survécu au coup qu’il m’avait assené lorsque je l’avais poignardé avec ma pointe de lance, le jour de la bataille dans la Zone fantôme.

— Un service funèbre s’est tenu dans sa propriété la semaine dernière, déclara Barrons.

Victoire ! Voilà exactement la nouvelle que j’avais espérée. Ses adorateurs le pleuraient !

— Alors, il est mort ? insistai-je.

Je voulais entendre Barrons me confirmer que l’un de mes ennemis n’était plus dans la course.

Il ne répondit pas.

— Allez, dites-le ! Quand on célèbre un office funèbre pour un mort-vivant, c’est qu’il n’est plus vivant, donc qu’il est mort, pas vrai ? Sinon, on aurait célébré son retour à la vie, et pas son éternel départ. Tant mieux. C’est un peu plus larmoyant, mais nettement moins angoissant, si vous voulez mon avis…

— Comme je crois vous l’avoir déjà dit, mademoiselle Lane, un ennemi n’est mort qu’une fois…

— Je sais, je sais, coupai-je sans dissimuler mon agacement. Un ennemi n’est mort qu’une fois qu’on l’a carbonisé, qu’on a soigneusement écrasé ses cendres et qu’on s’est assuré que rien n’en est sorti après un jour ou deux.

Selon Barrons, certains êtres ne peuvent être tués. Il m’avait clairement laissé entendre que les vampires appartenaient à cette catégorie. Dans ce cas, il n’avait pas dû lire Les Vampires pour les nuls. D’après les auteurs de ce remarquable ouvrage, qui affirmaient avoir interviewé des centaines de morts-vivants au cours de leur enquête et consacraient un chapitre entier au célébrissime Mallucé, il était relativement aisé de plonger un pieu dans le cœur d’un vampire, lequel était en général facile à faire disparaître et, au demeurant, sujet à toutes sortes de petits bobos et fragilités de constitution.

— Son chargé d’affaires assistait à la vente. Il a enchéri avec insistance sur un certain nombre d’articles, y compris l’Amulette.

Mon optimisme se dégonfla à la vitesse d’un pneu qui vient de rouler sur une poignée de clous.

— Alors, il est vivant ?

— Il serait déraisonnable de faire des hypothèses sur ce point. Peut-être que quelqu’un d’autre utilise son nom et ses représentants légaux comme couverture. Qui sait si le Haut Seigneur n’a pas pris le contrôle de sa fortune et de sa cour de dévots ? Plus rien ou presque ne pourrait l’arrêter…

À cette perspective, un frisson d’effroi me parcourut. Je n’en doutais pas, le Haut Seigneur était capable de décupler le nombre d’adorateurs et de fanatiques que Mallucé avait rassemblés autour de lui. Je ne l’avais vu qu’une fois, mais son visage resterait à jamais gravé dans ma mémoire. J’avais longuement étudié les photos de lui et de ma sœur dans Dublin et ses environs. Il possédait l’inhumaine beauté des faës, mais n’en était pas un. Ma vision de sidhe-seer peinait à me révéler sa vraie nature, de même que celle de Mallucé. Comme celui-ci, le Haut Seigneur était humain… mais pas tout à fait.

Néanmoins, j’avais une certitude. Sur une échelle de séduction allant de un à dix, l’ex-fiancé d’Alina obtenait un onze. Les adorateurs de Mallucé n’auraient aucune chance ; en moins de temps qu’il n’en faut pour s’écrier : « Vade rétro ! », ils se prosterneraient devant lui. La nuit où j’avais dérobé l’Objet de Pouvoir que Mallucé dissimulait au Haut Seigneur, j’en avais assez vu pour comprendre que les malheureux cherchaient si désespérément une raison de vivre qu’ils étaient prêts à mourir pour parvenir à leurs fins. C’était aussi stupide qu’illogique, mais c’était ainsi.

— Mettez donc ça, dit alors Barrons en me lançant un paquet.

Je considérai le colis d’un regard circonspect. Les choix de Barrons en matière vestimentaire ne correspondaient jamais aux miens. Nous aurions pu aller dans le même magasin, fouiller dans les mêmes rayons pendant des heures, jamais nous n’aurions sélectionné les mêmes tenues. Il préférait le minimaliste à l’accessoirisé, le sombre au lumineux, les tons intenses aux nuances pastel, le voluptueux à l’acidulé. Je ne me reconnaissais pas dans les vêtements qu’il choisissait pour moi. Au fond, je resterais toujours la petite fille rose bonbon de papa.

— Laissez-moi deviner, dis-je un peu sèchement. C’est noir ?

Il haussa les épaules.

— Près du corps ?

Pour la deuxième fois de la soirée, il éclata de rire. Voilà qui ne lui ressemblait vraiment pas… Je le regardai, méfiante.

— Que vous arrive-t-il ?

— De quoi parlez-vous, mademoiselle Lane ?

Il s’approcha d’un pas. Un pas de trop… Louchait-il encore en direction de mon décolleté ? Il me semblait percevoir la chaleur qui émanait de son corps d’athlète, ainsi que ce courant d’énergie qui l’enveloppait en permanence, une étrange vibration électrique qui courait, omniprésente, sous sa peau dorée. En temps normal, Barrons était d’un flegme imperturbable, mais ce soir, il paraissait différent. Il rayonnait d’une sorte de sauvagerie que je ne parvenais pas à identifier, mais qui n’était pas fondamentalement différente de la violence à l’état pur. Et ce n’était pas tout…

S’il avait été un autre homme et moi une autre femme, j’aurais vu du désir dans sa façon de darder sur moi ses yeux sombres aux paupières lourdes. Seulement, il était Barrons, et moi Mac. En d’autres termes, une flambée de désir entre lui et moi était à peu près aussi probable que, disons, l’éclosion d’une orchidée sur la banquise.

— Je vais me changer, dis-je en me détournant.

Il me prit par le bras pour me retenir. Dans la lueur diffuse des appliques, il ne ressemblait plus au Barrons que je connaissais. La lumière tamisée effaçait l’élégance patricienne de ses traits, noyant le modelé de son visage pour révéler un masque à l’expression brutale et impérieuse. Il me regardait fixement mais il semblait absent, et s’il me voyait malgré tout, ce n’était pas la Mac dont je croisais le reflet chaque matin dans mon miroir qui se dessinait devant lui. Pressée de dissiper la tension qui régnait soudain entre nous, je m’exclamai étourdiment :

— Eh bien, Jéricho ! Où allons-nous, ce soir ?

Il tressaillit, comme si je venais de l’arracher à une profonde rêverie.

— Jéricho ? Que vous arrive-t-il, mademoiselle Lane ?

J’émis une petite toux gênée.

— Je voulais dire Barrons, et vous le savez très bien, répliquai-je d’un ton acerbe.

Pourquoi l’avais-je appelé par son prénom ? La seule fois où j’avais commis un tel impair, dans le naïf espoir de placer notre relation sur un plan plus amical (il faut dire à ma décharge qu’il venait de me sauver la vie et que j’étais à demi-consciente et éperdue de gratitude), il m’avait éconduite, avec douceur mais fermeté.

— Oubliez ça, ajoutai-je, un peu guindée. Et lâchez mon bras, vous me faites mal. Je vous rejoins dans une vingtaine de minutes.

Son regard descendit, s’attarda sur mes seins.

Je le repoussai d’un geste impatient.

S’il avait été un autre homme et moi une autre femme, j’aurais juré qu’il cherchait à… passer à l’action. Fiona et lui avaient-ils été amants, malgré leur différence d’âge ? Le désir le torturait-il, à présent qu’elle n’était plus là ? Non seulement cette éventualité était effrayante, mais elle s’avéra diablement difficile à chasser de mon esprit.

 

Quarante-cinq minutes plus tard, nous étions à bord d’un avion à destination du pays de Galles… et sur le point de perpétrer un nouveau crime. J’avais vu l’inspecteur Jayne, qui nous avait suivis jusqu’à l’aéroport, lever au ciel un poing rageur en constatant qu’il ne pourrait pas monter à bord de notre avion, un jet privé dont l’accès lui était interdit.

En ce qui concernait ma tenue, je ne m’étais pas trompée en prédisant qu’elle serait noire et très près du corps. Sous un imperméable que j’étais déterminée à n’enlever qu’en cas d’absolue nécessité, je portais un justaucorps si moulant qu’il épousait étroitement la moindre de mes courbes, révélant mon anatomie aussi sûrement que si j’avais été nue. Barrons avait fixé autour de ma taille un large ceinturon équipé d’une multitude de poches de différentes tailles, dans lesquelles il avait glissé ma pointe de lance, des lampes torches, ainsi qu’une demi-douzaine de gadgets en tout genre que j’aurais été bien en peine d’identifier. Tout cela pesait si lourd que j’avais l’impression d’être une plongeuse lestée d’une ceinture de plomb.

— Qu’a-t-elle de si spécial, cette amulette ? demandai-je en prenant place dans mon siège.

J’estimais avoir au moins le droit de savoir pour quoi j’allais mettre ma vie et ma pudeur en danger en jouant les as de la cambriole.

— Vous ne savez vraiment ce que vaut une relique faë qu’une fois que vous l’avez entre les mains, répondit Barrons en s’installant en face de moi. Et même alors, cela peut vous prendre un certain temps avant d’en comprendre l’usage. Les Objets de Pouvoir obéissent à la même règle.

Je haussai un sourcil dubitatif avant de désigner d’un coup d’œil ma pointe de lance. Je n’avais eu aucun mal à en maîtriser le maniement !

— Cet objet n’a rien d’un casse-tête, mademoiselle Lane. Et pour ma part, je ne parierais pas qu’il ne possède pas d’autres emplois à l’usage exclusif des faës. L’histoire de ceux-ci est nébuleuse, pleine d’inexactitudes et délibérément truffée de mensonges.

— Pourquoi ?

— Pour de nombreuses raisons… Pour commencer, ce sont les rois de l’illusion. Ensuite, ils se régénérèrent régulièrement, en se délestant chaque fois de leurs souvenirs.

— Pardon ?

On pouvait donc effacer sa mémoire comme celle d’un ordinateur ? Cela s’appliquait-il aussi à moi ? J’avais en « stock » un certain nombre d’« archives » dont je me serais volontiers débarrassée, et qui n’étaient pas toutes liées à la disparition tragique de ma sœur.

— Un faë ne s’éteint pas de mort naturelle. Certains d’entre eux vivent depuis plus longtemps que vous ne pouvez le concevoir. Une telle longévité entraîne inévitablement une déplorable conséquence : la folie. Lorsqu’ils pressentent son arrivée, la plupart d’entre eux choisissent de boire au Chaudron de Clarté, l’un des quatre Piliers de Lumière, afin de faire table rase de leurs souvenirs et de recommencer de zéro. Ils ne retiennent rien de leur existence passée et croient être nés le jour où ils ont bu la potion d’oubli. Il existe un gardien des registres qui consigne scrupuleusement le nom de chaque incarnation de chaque faë, afin de préserver l’histoire exacte de leur peuple.

— Il ne devient pas fou à son tour ?

— Il, ou elle, boit avant que cela n’arrive, et un autre prend sa relève.

Je fronçai les sourcils, intriguée.

— D’où vous vient tout ce savoir ?

— Voilà des années que j’effectue des recherches sur les faës, mademoiselle Lane.

— Pourquoi ?

— L’Amulette Maléfique, poursuivit-il, ignorant ma question, est l’un des présents forgés par le Roi Noir des Tuatha Dé Danaan pour sa concubine favorite. Celle-ci, qui n’appartenait pas à son peuple, ne pratiquait pas la magie. Il voulait lui offrir la possibilité de créer des illusions pour son propre amusement, comme les siens en étaient capables.

— Si j’en crois le commissaire-priseur, l’Amulette fait bien plus que jeter de la poudre aux yeux, protestai-je. D’après lui, elle peut modifier le cours de l’histoire. Regardez la liste de ses précédents propriétaires ! Bons ou mauvais, ils ont tous exercé un pouvoir hors du commun.

— Les reliques faës ont tendance à transmuter avec le temps, en particulier si elles sont utilisées parallèlement à d’autres formes de magie, ou si celles-ci la corrompent. Elles peuvent s’animer d’une vie propre et devenir quelque chose de radicalement différent de ce qu’elles étaient au départ. Prenez l’exemple des Miroirs de transfert. Lorsqu’ils ont été fabriqués, ils émettaient le même rayonnement argenté que le soleil sur la mer. Dans leurs couloirs sacrés régnait une incomparable harmonie. Ils étaient éblouissants de splendeur et de pureté. Et aujourd’hui, ils ont…

— … les bords tout noircis, finis-je à sa place, ravie de posséder quelques bribes de connaissance à placer dans la conversation. Comme si une perversité extérieure les avait contaminés et commençait à les dévorer.

Barrons me décocha un regard acéré.

— Comment savez-vous cela ?

— Je les ai vus. À l’époque, j’ignorais leur vraie nature.

— Où ?

— Dans la demeure du Haut Seigneur.

À ces mots, il ouvrit des yeux ronds de surprise.

— Vous n’êtes pas entré à l’intérieur, vous ? demandai-je, un peu étonnée.

— Figurez-vous que j’étais un peu pressé, ce jour-là, mademoiselle Lane. Je suis allé droit vers l’entrepôt où vous vous trouviez.

Puis, après une pause, il reprit, songeur :

— Alors, c’est comme cela qu’il se rend en Faery et qu’il en revient… Je commence à comprendre.

— Je ne vous suis pas.

— Grâce aux Miroirs de transfert, un humain peut pénétrer incognito dans les royaumes des faës. En possède-t-il beaucoup ?

— Je ne sais pas. J’en ai vu au moins une demi-douzaine.

Je marquai un silence.

— Il y avait des… choses dans ces miroirs, Barrons, ajoutai-je. Des choses qui hantent parfois mes cauchemars.

À ma surprise, il ne me demanda pas de quoi il s’agissait.

— Étaient-ils ouverts ?

— Que voulez-vous dire ?

— Avez-vous eu besoin de dévoiler les miroirs pour regarder dedans ?

Je secouai la tête.

— Avez-vous remarqué des runes ou d’autres symboles à la surface du verre ?

— Non, mais je n’ai pas vraiment fait attention.

Après avoir posé les yeux sur le premier, j’avais évité de regarder les autres, les laissant délibérément à la lisière de mon champ de vision.

— Alors, vous dites que ces objets sont en réalité des portes, ou plutôt des couloirs, vers Faery ? J’aurais pu en emprunter un ?

— Ce n’est pas si simple, mais à certaines conditions, oui. Les Miroirs sont des Objets de Pouvoir unseelie. On croit généralement que le premier Pilier des Ténèbres forgé par le Roi Noir était une pièce unique. Peu d’entre nous savent qu’il s’agissait en réalité d’un immense réseau de glaces reliant les dimensions et les royaumes entre eux. Ce réseau a constitué la première méthode de déplacement des Tuatha Dé Danaan entre les différents plans de la réalité, avant qu’ils aient suffisamment évolué pour être capables de voyager par la seule puissance de la pensée. Certains affirment que le Roi Noir créa ces reliques dans un but plus personnel que l’histoire n’a pas retenu. Puis vint le jour où ce fameux Cruce dont tout le monde parle lança une malédiction sur les Miroirs.

Comme je l’invitais du regard à poursuivre son exposé, il secoua la tête.

— Je ne sais pas en quoi elle consistait, ni qui était Cruce et quelle était sa raison d’agir. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est qu’après cet événement, les faës n’ont plus osé s’aventurer dans les Miroirs, même dans les pires circonstances. Lorsque ceux-ci ont commencé à s’assombrir, ils ont été bannis de Faery par la Reine Blanche, qui ne voulait plus les voir dans son royaume, effrayée par ce qu’ils étaient en train de devenir.

Moi-même, me dis-je alors, j’éprouvais depuis quelque temps une semblable méfiance envers ma propre personne. Je voyais mon âme noircir à vue d’œil, et ma transformation m’effrayait. Et pourtant, à ce moment-là, je ne mesurais pas combien j’étais encore pure et lumineuse… Il en va souvent ainsi : nous ne comprenons la valeur de ce que nous possédons que lorsque nous le perdons.

Je chassai les ombres qu’avait éveillées en moi le récit de Barrons. J’avais besoin de faire entrer un peu de soleil dans ma vie, et rapidement. À défaut des rayons de l’astre solaire, un sujet de conversation plus léger ferait l’affaire.

— Revenons à l’Amulette, suggérai-je.

— En gros, elle est censée décupler la volonté de celui qui la possède.

— On visualise son projet, et l’Amulette le fait aboutir ?

— En quelque sorte.

— Eh bien, on dirait que ça marche, non ? Vous avez vu comme moi la liste de ses différents propriétaires.

— J’ai aussi remarqué les longs intervalles de temps qui se sont écoulés entre les propriétaires en question. Je soupçonne que seule une poignée d’individus sont dotés d’une volonté suffisante pour que l’Amulette accède à leurs désirs.

— Alors, il faudrait déjà posséder l’étoffe d’un héros, qu’elle ne ferait que renforcer ?

Avais-je l’étoffe d’une héroïne ? ne pus-je m’empêcher de me demander.

— Possible. Nous serons bientôt fixés.

— Il n’en a plus pour longtemps, vous savez.

Je parlais du vieillard. Il n’avait acquis l’Amulette que pour repousser un peu l’heure de sa mort. Lorsque nous la lui prendrions, j’aurais un décès de plus, même involontaire, sur la conscience.

— Et c’est une bonne chose pour lui, commenta Barrons.

Son humour m’échappait parfois, mais je ne m’en formalisais pas toujours. Puisqu’il était d’humeur loquace, j’abordai un autre sujet qui excitait également ma curiosité.

— Contre qui vous battiez-vous, quand je vous ai téléphoné ?

— Ryodan.

— Pourquoi ?

— Il a parlé de moi à des gens à qui il n’aurait rien dû dire.

— Qui est Ryodan ?

— L’homme contre qui je me battais.

Je ne me laissai pas décourager par cette fin de non-recevoir.

— Avez-vous tué l’inspecteur ?

— Si j’étais le genre d’homme à assassiner quelqu’un comme O’Duffy, je serais aussi du genre à mentir à ce sujet.

— L’avez-vous fait, oui ou non ?

— La réponse est non, trois fois non ! Vous posez des questions absurdes, mademoiselle Lane. Écoutez votre intuition. Cela pourrait vous sauver la vie, un de ces jours.

— J’ai entendu dire qu’il n’y avait pas d’hommes sidhe-seers.

— Où avez-vous entendu cela ?

— Quelque part.

— Et sur lequel de ces deux points éprouvez-vous des doutes, mademoiselle Lane ?

— Pardon ?

— Doutez-vous que je voie les faës ou que je sois un homme ? Il me semble que pour le premier point, vous avez pu juger sur pièces. Dois-je vous fournir des preuves quant au second ?

Tout en parlant, il avait posé les mains sur la boucle de sa ceinture.

— Ne vous donnez pas cette peine, répliquai-je avec un soupir de lassitude. Vous portez à gauche, Barrons.

— Touché, murmura-t-il.

 

Je ne connaissais pas le nom de notre innocente victime, et je ne tenais pas à l’apprendre. Si je l’ignorais, je ne pourrais pas l’inscrire sur la longue liste de mes péchés, et avec un peu de chance, le vieux Gallois dont j’allais dérober l’ultime espoir de survie disparaîtrait de ma mémoire et cesserait de troubler ma conscience.

Nous louâmes une voiture à l’aéroport. Après avoir traversé un paysage de collines basses, nous garâmes le véhicule au bout d’une allée plantée d’arbres. Je me séparai à contrecœur de mon imperméable et, de là, nous finîmes la route à pied. Lorsque nous parvînmes au sommet d’une petite éminence et que je découvris la demeure que nous nous apprêtions à cambrioler, je réprimai un petit cri de stupeur. Certes, j’avais conscience que l’homme était riche, mais c’était une chose de le savoir, c’en était une autre de le constater de mes propres yeux !

La demeure du vieillard était un véritable petit palais, entouré d’élégantes constructions et de jardins illuminés. Éclairée de toutes les directions, la propriété semblait avoir été déposée sur la sombre campagne galloise telle une cité d’ivoire rehaussée de touches d’or pur. Depuis son centre – un vaste porche au toit en forme de dôme –, le reste du bâtiment se déployait dans un foisonnement d’ailes, de tourelles, de terrasses et de vérandas. Sur le toit, de magnifiques sculptures juchées sur des piédestaux de marbre entouraient une piscine aux mosaïques lumineuses. D’immenses fenêtres en vitrail encadraient des chandeliers brillants. Parmi les bosquets luxuriants du parc aux pelouses entretenues avec soin, des cascades jaillissaient d’un bassin aux délicats ornements vers un autre, dont les transparences dignes des mers du Sud scintillaient doucement, auréolées de vapeur dans la fraîche brise nocturne. L’espace d’un instant, je me pris à rêver que j’étais la princesse de ce palais, celle qui se faisait bronzer au bord de cette baignade de contes de fées. Puis un autre fantasme chassa celui-là : être la princesse qui partait faire du shopping, armée de la carte de crédit du propriétaire des lieux.

— Prix de vente du bien, cent trente-deux millions de dollars, récita Barrons. L’ensemble a été originellement conçu pour un roi du pétrole saoudien qui est mort avant la fin de sa construction. Avec ses cent vingt-cinq kilomètres carrés de superficie, la propriété est plus vaste que la résidence privée de Buckingham Palace. Treize suites avec salle de bains, une salle de sport, quatre maisons d’invités, cinq piscines, un plancher incrusté d’or, un garage souterrain et une piste pour hélicoptères.

— Combien d’habitants ?

— Un seul.

Quel dommage ! Tant de richesses, et personne avec qui les partager… À quoi bon ?

— En revanche, il y a deux douzaines de gardes du corps surentraînés, le nec plus ultra des systèmes d’alarme et une pièce de survie en cas d’attaque terroriste.

Barrons semblait boire du petit-lait. À croire que la perspective de relever un tel défi le réjouissait !

— Et comment envisagez-vous de nous y faire entrer ? demandai-je d’un ton acide.

— On me doit un service. Les gardes ne seront pas un obstacle. Mais ne vous y trompez pas, mademoiselle Lane, ce ne sera pas pour autant une promenade de santé. Il nous faudra désactiver le système de sécurité, et nous aurons cinq ou six alarmes à mettre hors service. En outre, je soupçonne le Gallois de porter l’Amulette sur lui en permanence. Bref, ce n’est pas gagné.

Nous descendîmes la colline. Ce n’est qu’à quelques pas de la maison que j’aperçus le premier cadavre, à demi dissimulé derrière un fourré. Il me fallut un instant pour comprendre de quoi il s’agissait. Puis je regardai l’atroce spectacle avec incrédulité, avant de me détourner, le cœur au bord des lèvres.

Le garde n’avait pas simplement été tué : il avait été effroyablement mutilé.

— Enfer ! tonna Barrons.

Sans me prévenir, il me souleva dans ses bras, me jeta sur son épaule et s’éloigna de la demeure au pas de course. Il se rua jusqu’à l’une des maisons d’invités les plus éloignées de la propriété, puis me déposa sur mes pieds avant de me pousser dans l’ombre du porche.

— Ne bougez pas d’ici avant que je revienne, m’ordonna-t-il.

— Dites-moi que ce n’était pas ce service-là que vous aviez demandé, Barrons, demandai-je à voix basse.

Si c’était le cas, notre compte était bon. Je savais qu’il ne me dirait pas toute la vérité, mais je refusais de le croire capable de commanditer un tel carnage.

— Ils étaient censés être inconscients, c’est tout.

Le clair de lune éclairait son visage tendu. Alors que j’allais parler, il me fit taire d’une pression de son index sur mes lèvres et s’enfonça dans la nuit.

Je restai blottie dans l’ombre du porche de la petite maison pendant ce qui me parut durer une éternité, mais lorsque j’entendis de nouveau sa voix, dix minutes à peine s’étaient écoulées à ma montre.

— Celui qui a fait le coup n’est plus dans les parages, mademoiselle Lane.

En le voyant émerger de l’obscurité, j’étouffai un soupir de soulagement. S’il y a une chose que je détestais plus encore que les ténèbres, c’était d’y être seule. Non seulement cette crainte était tout à fait nouvelle pour moi, mais ma phobie n’allait pas en s’améliorant.

— Les gardes sont morts depuis plusieurs heures, ajouta-t-il. Le système de sécurité ne fonctionne plus, la maison est libre d’accès. Suivez-moi.

Nous nous dirigeâmes vers l’entrée principale sans prendre la peine de nous dissimuler. En chemin, nous croisâmes quatre autres cadavres. Par les portes ouvertes, je découvris un vaste hall circulaire d’où s’élançait un double escalier. Les volées de marches à l’élégante courbure se rejoignaient sur un palier coiffé d’un dôme vitré d’où pendait un lustre scintillant. Je m’obligeai à regarder droit devant moi. Le sol de marbre à la brillance de perle était maculé d’éclaboussures rouge sombre et jonché de corps sans vie, parmi lesquels je devinai plusieurs femmes. Même le personnel de maison n’avait pas été épargné.

— Percevez-vous l’Amulette… ou quoi que ce soit d’autre, mademoiselle Lane ?

Je fermai les paupières pour faire abstraction de l’effroyable spectacle et déployai mes antennes de sidhe-seer avec d’infinies précautions. J’avais cessé de traiter par le mépris ma capacité de détecter la présence de reliques faës. La nuit précédente, après avoir achevé la lecture d’un nouvel ouvrage consacré au surnaturel – Les Pouvoirs paranormaux : fiction ou réalité ? –, j’étais restée étendue dans le noir, incapable de trouver le sommeil, plongée dans une profonde méditation sur ma véritable nature et la signification de tout cela. Je m’étais posé d’innombrables questions sur l’origine de mes perceptions, sur le fait que certains êtres seulement en étaient dotés, sur ce qui nous différenciait, Alina et moi, de la plupart des gens. D’après les auteurs de ce livre, les personnes pourvues de dons extrasensoriels ne faisaient qu’utiliser une zone de leur cerveau restée à l’état latent chez les autres.

Curieuse d’en savoir plus, et désespérée par la stupidité du programme télévisé malgré l’heure tardive, j’avais fait courir mes doigts sur ma pointe de lance tout en explorant mon crâne de l’intérieur.

Il ne m’avait guère fallu de temps pour localiser la part de mon esprit qui était différente. Sur le moment, je m’étais demandé comment j’avais pu l’ignorer pendant vingt-deux ans. Lorsque j’avais repéré ce point de mon cerveau, il m’avait paru aussi vieux que le monde, aussi ancien que le temps lui-même, toujours en éveil, toujours sur le qui-vive. En concentrant mon attention sur lui, il m’avait semblé qu’il rougeoyait, telle une braise sur laquelle on souffle. Intriguée, j’avais joué avec lui, et découvert que je pouvais l’attiser jusqu’à ce qu’il s’embrase, bondisse, gagne tout mon crâne… et s’en échappe. À l’image du feu auquel il ressemblait tant, il ne possédait aucun sens moral. Les quatre éléments sont ce qu’ils sont : des forces primitives, au mieux indifférentes, au pire destructrices. Ce brasier intérieur pouvait obéir à ma volonté… ou échapper à mon contrôle.

Le feu n’est ni bon ni mauvais. Il brûle, c’est tout.

Pour l’instant, il couvait sous la braise et je le survolais, tel un galet ricochant à la surface d’une onde placide – une eau profonde et sombre que je n’avais pas l’intention d’éveiller.

J’ouvris les yeux.

— Si l’Amulette est ici, je ne la perçois pas.

— Est-il possible qu’elle se trouve dans la maison, mais que vous n’en soyez pas assez proche ?

J’esquissai un haussement d’épaules évasif.

— Aucune idée, dis-je sans enthousiasme. La propriété est immense. Combien y a-t-il de pièces ? Les murs sont-ils épais ?

— Cent neuf, et très, répondit-il avec son laconisme habituel.

Un muscle de sa mâchoire tressaillit.

— Je dois savoir si cet objet se trouve toujours ici, mademoiselle Lane.

— Que craignez-vous ?

— D’étranges événements se sont déroulés. Peut-être ce massacre est-il la conséquence d’une tentative de vol mise en échec.

À mes yeux, cela ressemblait surtout à une explosion de violence aveugle d’une sauvagerie bestiale.

Je lui dis la vérité, consciente que cela scellerait mon destin.

— Je n’ai pu percevoir la pierre de Mallucé que quand je me suis retrouvée dans la même pièce qu’elle. Je n’ai remarqué la lance que lorsque je me suis trouvée juste en dessous. Et je n’ai pas détecté la présence de l’Amulette avant de pénétrer dans l’abri antiatomique.

Je fermai les paupières.

— Dans ce cas, mademoiselle Lane…

— Je sais, coupai-je, vous allez me demander d’explorer la maison.

Je rouvris les paupières et relevai le menton. S’il y avait la moindre chance que l’Amulette soit encore là, nous devions la saisir.

 

Barrons fit en sorte de me rendre supportable la vue des pièces à mesure de notre progression. Il entrait avant moi, jetait un drap ou une couverture sur chaque cadavre, et lorsqu’il ne trouvait pas de quoi les dissimuler, il les traînait derrière un meuble.

J’appréciais ses efforts, mais j’en avais déjà trop vu, et j’avais toutes les peines du monde à empêcher mon regard d’errer derrière les fauteuils ou les canapés, là où se trouvaient les corps qu’il n’avait pu couvrir. Ils exerçaient sur moi la même fascination morbide que les restes parcheminés laissés par les Ombres après leurs sinistres festins. Comme si je ne sais quelle part irrationnelle de moi-même s’imaginait qu’en les regardant longuement, en m’imprégnant de l’horreur de leur fin, j’en apprendrais assez pour me préserver du même destin…

— Ils ne se sont pas défendus, Barrons, dis-je en sortant de l’une des pièces.

Il m’attendait un peu plus bas dans le couloir, adossé contre un mur, les bras croisés sur sa poitrine. Les cadavres qu’il avait déplacés l’avaient maculé de sang. Je m’obligeai à ne regarder que son visage, afin d’oublier ses mains et ses vêtements souillés d’éclaboussures rouge sombre. Ses yeux brillaient d’un éclat inhabituel. Il paraissait plus solide, plus grand, plus… magnétique que d’ordinaire, et je percevais sur lui l’odeur du sang, cette senteur âcre et métallique si caractéristique. Lorsque nos regards se croisèrent, je tressaillis. S’il y avait un être humain derrière ces iris moi, j’étais une faë ! Deux insondables perles de jais m’observaient, éclats d’obsidienne dans lesquels se reflétait une myriade de minuscules reflets de moi-même. Il me parcourut longuement du regard, s’attardant comme à loisir sur les courbes que révélait mon justaucorps, avant de remonter avec une lenteur exaspérante jusqu’à mon visage.

— Ils étaient inconscients lorsqu’ils ont été attaqués, déclara-t-il finalement.

— Dans ce cas, pourquoi les a-t-on tués ?

— Apparemment, par pur plaisir.

— Quelle brute peut faire cela ?

— Oh, toutes sortes de monstres, mademoiselle Lane. Toutes sortes de monstres…

Nous poursuivîmes notre inspection dans la luxueuse demeure, qui avait cessé d’exercer tout attrait sur moi. En traversant au pas de course une salle d’exposition qui aurait fait se pâmer d’envie le conservateur de n’importe quel musée, je ne songeai qu’à l’amère satisfaction de l’homme qui n’avait acquis cette collection de rêve que pour l’exposer dans une salle aux murs aveugles, où lui seul pouvait l’admirer. Et en arpentant le fameux plancher incrusté d’or massif, je ne vis que le sang qui le maculait.

Barrons trouva le vieillard – qui avait payé plus de cent millions de dollars pour l’Amulette sans se douter que non seulement elle ne l’aiderait pas à repousser son décès, mais qu’il avait dépensé une somme indécente pour en hâter la venue – étendu dans son lit, sans vie. Celui qui lui avait arraché son précieux trésor l’avait à moitié décapité, comme en témoignaient les marques de chaînette profondément imprimées dans la fragile peau de son cou ou, du moins, de ce qui en restait. Ses rêves de longévité avaient fait long feu. En voulant retarder sa mort, il n’avait réussi qu’à la précipiter.

Notre recherche s’avéra infructueuse ; ce qu’avait abrité la maison – Amulette ou quelconque relique faë – avait disparu. On nous avait pris de vitesse. L’Objet de Pouvoir unseelie était de nouveau quelque part dans le monde, sur le point de décupler la volonté de celui qui l’avait dérobé, et en ce qui nous concernait, nous nous retrouvions à la case départ, à ma grande frustration. Si l’Amulette était vraiment capable d’agir sur la réalité et si je parvenais à en découvrir le secret, de formidables horizons s’ouvriraient à moi. À tout le moins, elle me protégerait. Et au mieux, elle m’aiderait à assouvir ma vengeance !

— Avons-nous terminé, Barrons ? demandai-je alors que nous descendions par l’escalier de service.

J’éprouvais soudain une irrépressible envie de m’enfuir de ce mausolée de marbre.

— Il nous reste encore toute la partie souterraine à visiter, mademoiselle Lane.

Une fois sur le palier qui donnait sur le sous-sol, nous dirigeâmes nos pas vers une série de portes percées dans un mur.

Au même instant, celles-ci commencèrent à pivoter lentement sur leurs gonds.

Et tout à coup, je m’aperçus que je n’étais plus dans la maison.

Je me trouvais sur une immense plage de sable blanc. Une brise tiède et iodée faisait danser mes cheveux. Le soleil brillait. Des oiseaux d’albâtre au vol rapide jouaient avec les vagues au-dessus d’une mer aux reflets d’azur.

Et j’étais en tenue d’Ève.

Fièvre Rouge
titlepage.xhtml
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_000.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_001.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_002.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_003.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_004.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_005.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_006.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_007.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_008.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_009.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_010.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_011.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_012.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_013.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_014.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_015.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_016.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_017.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_018.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_019.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_020.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_021.html
Moning,Karen Marie-[Chroniques de MacKayla Lane-2]Fievre rouge(2007).French.ebook.AlexandriZ_split_022.html